En fait la rue philippine elle sert à un peu tout, c'est un lieu de passage, mais également un lieu de vie.
Un lieu de spectacle, une scène, une aire de jeux, un endroit qui en fonction des heures et des jours se transforme et qui bien des fois voit son utilisation première détournée au profit des populations locales.
La rue, connaissez-vous vraiment la rue philippine ?
Cette rue simple, commune, que l’on trouve dans toutes les villes de province.
Au premier abord elle ne semble pas très différente d’une rue française ou européenne.
Peut-être un peu plus étroite et mal entretenue, avec de mauvaises herbes qui poussent sur les côtés, souvent sans trottoirs et avec des caniveaux qui sont à ciel ouvert. Ah oui, elle est souvent cimentée et non pas goudronnée ou asphaltée, ceci par soucis d’économie ; il y a des cimenteries, mais pas de pétrole aux Philippines.
Comme toutes les rues du monde … non, pas comme toutes les rues du monde. Il n’y a pas de restriction de passage dans la rue philippine, pas de sens unique, pas de rue piétonne, pas de limitation de poids, de gabarit ou de catégorie … la limitation de vitesse est régulée, non pas par des panneaux, car il n’y a pas de panneaux, mais par des ralentisseurs.
Des ralentisseurs locaux que l’on peut parfois rencontrer tous les vingt ou trente mètres. Une butte de ciment de forme arrondie qui peut s’élever à plus de trente centimètres au-dessus du niveau de la rue. Passer en voiture là-dessus à plus de cinq kilomètres heure vous expédie, illico presto, au plafond du véhicule. Deux ou trois expériences de ce genre et vous conduisez tranquille au pays des 7.107 îles.
Dans la rue philippine passent les voitures, les camions et camionnettes, les motocyclettes, les tricycles (ces motocyclettes avec une sorte de side-car et qui sont des véhicules de transport en commun), les jeepneys, les engins de travaux publics, les bus, les mini-bus, les baby-bus, les scooters, les vélos … et bien entendu, tous ceux qui passent à pied ou à pattes. Les carabaos (buffle d’eau), les vaches, les chevaux, les chèvres, les poules, les chats et les très nombreux chiens qui ont fait de la rue leur demeure, sans oublier bien entendu les piétons.
Crise oblige, il y a de plus en plus de piétons. En général le philippin préfère utiliser le tricycle, même pour quelques dizaines de mètres, mais crise oblige … il y a de plus en plus de piétons.
Il y a encore quelques années, les seuls à marcher dans les rues et aux bords des routes, étaient les étrangers, les ‘’foreigners’’, les ‘’Kanos’’, les ‘’Hey Joe’’.
Sauf à avoir une coupure de courant, dès dix-neuf heures la rue philippine commence à se vider et à vingt heures il n’y a pratiquement plus de passage. De-ci delà quelques groupes, assis sur des chaises ou des bancs, papotent et échangent des messages téléphoniques sous un lumignon de l’éclairage public.
Eh oui, la rue philippine est éclairée, souvent chichement, mais elle est éclairée et ce même dans le plus retiré des Barangays. Entre cinq et dix pour cent de la population (cela dépend de la source des statistiques), n’a pas accès à la ‘’fée électricité’’. Mais nous parlons ici de la rue d’une ville de province.
Pas de passages pour piétons pour traverser la rue philippine, pas de feux tricolore, pas d’interdiction de stationner, encore moins de stationnement alternatif ou de parcmètre. L’on peut garer son véhicule, plus ou moins bien, sur la gauche ou sur la droite, à votre bon cœur, au choix. Pas de pervenche, de contractuelle ou de policier à l’affut cherchant à faire leur quota. Non, ici la police il faut aller la chercher pour qu’elle se déplace. Quelques ‘’Check points’’ (points de contrôle), de temps en temps, sur la grand route.
S’il y a une école, une pancarte, faite d’un panneau de contreplaqué rectangulaire, installée au milieu de la rue, va vous avertir : ‘’Slow Down … School Zone’’.
Aux heures d’entrées et de sorties des classes, des agents municipaux vont nonchalamment faire un peu de circulation et stopper les véhicules afin de permettre aux enfants de traverser la rue en toute sécurité.
Et ça fonctionne, en dix ans je n’ai jamais vu un accident, il faut dire que compte tenu des ralentisseurs …
Parfois, plus particulièrement en fin de semaine, la rue devient terrain de jeux pour les enfants.
De 19 h à 22 h au maximum, les enfants jouent au Babington, à la balle au prisonnier, au Volley Ball et quelques autres jeux locaux proches de nos jeux européens.
Lors de fortes pluies, lors d’inondations, les gamins adorent jouer dans la rue, mais ce n’est pas unique aux Philippines.
Puis, à partir de 22 h, la rue philippine est abandonnée aux chiens et aux très rares noctambules. Les chiens aboient quand passent les noctambules, vous pouvez ainsi suivre leur progression le long de la rue.
Les Philippines sont, à ma connaissance, le seul pays d’Asie où il n’y a pas, ou vraiment très peu, de vie nocturne. Essayez de trouver un restaurant après 20 h, vous m’en direz des nouvelles.
A 2 h 30 du matin, les premiers bus quittent les dépôts et prennent la direction de la capitale qu’ils attendront vers 04 h 30. Peu de voyageurs, mais ils seront en position pour le rush de 5h en direction de la province.
C’est à partir de 5 h que la rue philippine se réveille et commence réellement sa journée.
Les premiers tricycles et jeepneys transportent les premiers travailleurs, ceux dont le lieu de travail est le plus éloigné. Puis cela va aller crescendo, de plus en plus d’activité dans la rue.
A partir de 6 h 30, les écoliers et étudiants vont peu à peu remplacer les travailleurs dans les bus, jeepneys et tricycles. Attention aux nombreuses crottes de chiens qui jonchent la rue, le soleil n’a pas encore fait son œuvre et elles sont fraiches. Jusqu’à 11 h les gens se rendent et reviennent du marché central et en rapportent légumes, fruits, viande et poisson.
A partir de 11 h 30, retour des écoliers qui vont avoir une petite heure pour déjeuner, se reposer et se préparer avant un après-midi de classe.
La rue c’est également un lieu de spectacle. Tout au long de l’année vont se dérouler parades, défilés et concours.
Tout se passe dans la rue et se termine sur la plazza. Les gays, les Beauty Queens, les écoliers, les étudiants, les groupes ethniques … tout ce beau monde va défiler dans la rue, au son des bandas précédées de majorettes.
L’après-midi de la rue est assez calme, il faut dire qu’il fait chaud, même très chaud et tout le monde se met à l’ombre, en roue libre. Les chiens ont déserté la rue pour un endroit, non pas frais, mais moins chaud.
La rue philippine est également un lieu ou l’on fait du commerce, des affaires. Pas besoin de vous déplacer pour faire vos courses, le commerçant vient à vous, il passe dans la rue, à pied.
Cela commence vers 5 h 30 avec un vendeur à qui va entonner son cri de ralliement : « ‘’Pan de Sal’’, ‘’Pan de Sal’’ ». Le ‘’Pan de Sal’’, c’est un tout petit pain, très léger, un peu salé, plus ou moins ovalisé , d’origine espagnole. Il vous arrive tout chaud et l’odeur du Pan de Sal au petit matin … inoubliable. Vous ouvrez vos petits pains, vous y glissez un peu de beurre, les trempez dans votre café ou chocolat. Délicieux !
Puis cela va être la vendeuse de poisson avec sa carriole et sa balance : ‘’Isda. Isda, Isda’’. Quels sont les poissons du jour, à quel prix ? Oh des dilis, nous allons préparer le ‘’Kilawi’’.
Arrive la ou les vendeuses de légumes, ‘’Gulay’’, avec leurs paniers posés sur la tête. Ampalaya, haricots verts, carottes, courges, navets … et des herbes locales destinées à donner de la saveur aux soupes (sobao). Parfois des fruits de saison : papayes, melons, mangues …
Taho, Ta … Ho, les vendeurs de taho tout au long de la matinée vont sillonner la rue philippine.
Le Taho, l’on pourrait comparer cela à notre yaourt, mais le Taho est à base de soja fermenté.
En fin d’après-midi, le vendeur de Taho se transforme en vendeur de Puto at Kuntsinta.
A midi ce sont les vendeuses de pancit et spaghetti qui proposent leurs produits, suivies par les vendeuses de gâteaux de riz (Pitchi Pitchi et autres spécialités locales).
Tout au long de la journée, mais pas aussi régulièrement, vont également passer les vendeurs de :
matelas, antennes pour la TV et télécommandes, meubles (du type buffet qu’ils portent sur leur dos, après avoir enlevé les portes), bijoux et changeurs de dollars, balais (walis), casseroles, bassines en plastique …
Durant l’été les vendeurs de glaces vont venir se mêler au business de la rue. Avec des tricycles ou des motocyclettes, mais toujours en musique.
Et il y a le ‘’Bombay’’ aussi surnommé 5/6 (five/six), l’indien préteur d’argent. Mais celui-ci nécessite un post à lui tout seul.
Le jour de marché, la rue, que dis-je, les rues du centre-ville sont totalement interdites à la circulation, la rue devient boutiques. Etalages de toutes sortes de marchandises et de nourriture de cinq heures à midi.
Pour être complet, vous devez savoir qu’aux Philippines vous pouvez utiliser la rue, ou une partie de la rue, pour votre propre usage. Pour vendre, mais pas uniquement. Je m’explique : à l’occasion d’une partie, anniversaire, mariage, repas d’amis, veillée funèbre, vous allez recevoir plus de personnes que votre maison peut en contenir.
Qu’à cela ne tienne, utilisez la rue ou une partie de la rue ! C’est très largement pratiqué. Un chapiteau de toile de tente, 20 à 100 chaises ou plus, des tables, sans oublier l’indispensable ‘’vidéoke’’ et vous voilà transformé en chanteur de rue.
Cette occupation de la rue existe aussi sur les grands axes du type routes nationales, croyez moi … cela surprend de se retrouver, en pleine nuit, avec son véhicule au milieu de gens qui mangent, boivent et chantent.
Vous êtes les bienvenus au pays.
Faites-moi part de vos expériences.
Expériences, avis, critiques et commentaires comme d'habitude sont les bienvenus.
Retrouvez-moi sur :www.expatauxphilippines.blogspot.com
En langue anglaise :www.frenchlivinginthephilippines.blogspot.com
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