Le denier post, écrit par Alex, vous racontait son tour de Mindoro en voiture.
Mindoro, une île grande comme la Corse et une seule route qui n’en fait même pas complètement le tour ! Quand je dis route … je devrais, pour une grande partie, dire piste, quand il ne s’agit pas d’un chemin plus ou moins empierré.
Une expédition qui ne peut être envisagée qu’avec un véhicule tout terrain et encore, durant la saison sèche. Et pourtant nous ne sommes qu’à un peu plus d’une centaine de kilomètres au sud de la capitale Manille !
Que dire de l’intérieur ?
Je pense que seuls quelques ‘’aventuriers privilégiés’’ pourraient nous dire réellement à quoi ressemble l’intérieur de cette île. A ce jour, je n’en ai rencontré aucun !
Il existe quelques plaines côtières sur les parties est et ouest, oui mais l’intérieur, du nord au sud … des montagnes toujours et encore des montagnes. Pas de la montagne à vache, le Mont Halcon, le plus haut sommet culmine à 2.585 mètres, le Mont Baco 2.487 mètres, le Mont Roosevelt 1.960 mètres et ils ont des petits frères.
Pour n’en citer que quelques-uns, les Monts : Micnic, Pamucuban, Patrick, Hitding, Exline, etc. Entres ces Monts et ces montagnes, des rivières qui doivent se transformer en torrents à la moindre pluie et … pas de ponts. Comment voulez-vous avoir des ponts, il n’y a pas de route. Du nord au sud, vous pouvez faire 150 kilomètres en ligne droite sans rencontrer une route ou même un chemin !
Les montagnes, les rivières, ruisseaux et torrents, la jungle et la forêt, pas de routes ou de chemins, pas même de sentiers et pas de ponts … Pas étonnant qu’en janvier 1997 l’on ait découvert Sangrayban, un vieil homme de 85 ans, a qui l’on a annoncé que la guerre était terminée depuis 52 ans. La guerre est finie Sangrayban.
Un soldat japonais de 85 ans a été découvert dans l’île de Mindoro !
Connu sous le nom de Sangrayban, il a vécu avec une tribu Mangyan pendant 54 ans.
Il a une femme, membre de la tribu, avec qui il a eu quatre enfants et se trouvait en parfaite santé lorsqu’il a été découvert par une équipe japonaise à la recherche de soldats ‘’oubliés’’.
Membre d’un groupe de soldats japonais débarqués en 1943 sur l’île de Mindoro avec pour ordre ‘’de ne se rendre sous aucun prétexte’’, il a passé 54 ans sur l’île sans contact avec l’extérieur.
Il a bien vu des tracts, lancés à partir d’avions par les Américains en 1945, tracts qui annonçaient que la guerre était terminée … mais il a pensé qu’il s’agissait de propagande.
Une fois ses compagnons morts, il a vécu comme les natifs, dans une tribu Mangyan pendant 54 ans.
Sa mémoire de la vie extérieure est restée bloquée à la période antérieure à la seconde guerre mondiale, mais il parle encore un Japonais ancien et démodé.
Quand il a été découvert il se trouvait en excellente santé.
Il ne souhaite pas quitter sa femme qui est malade et il y a peu de chance qu’il revoit un jour le Japon, ce qu’il ne semble pas souhaiter.
Cette histoire est à prendre avec précaution, il pourrait s’agir d’un faux.
Sangrayban a certainement été en contact avec des soldats japonais perdus et réfugiés dans sa tribu. Pour des raisons, sûrement purement mercantiles, certains ont voulu le faire passer pour un ‘’lost soldier’’.
Mais, ce qui est certain, prouvé et revérifié au sujet de soldats japonais perdus aux Philippines :
En janvier 1946, une unité combattante de 120 hommes a été débusquée après bataille, dans des montagnes situées à 250 kilomètres au sud de Manille.
En février 1946, sur l’île de Lubang, une campagne de sept semaines a été nécessaire pour nettoyer l’île des combattants japonais qui refusaient de se rendre.
D’intenses combats ont commencé le 22 février 1946 quand le 341st régiment philippin appuyé par des éléments de la 86th division américaine a rencontré une trentaine de soldats japonais.
Avril 1946, toujours sur l’île de Lubang, 31 membres d’une garnison se rendent, sans savoir que la guerre est finie depuis 8 mois.
Avril 1947, sur l’île de Palawan, 7 soldats émergent de la jungle et se rendent.
En juin 1947, 4.000 soldats de l’armée impériale sont toujours cachés dans les montagnes philippines. A moins de 180 kilomètres de la capitale Manille, il y a encore des combats sporadiques.
Janvier 1948, sur l’île de Mindanao, 200 soldats bien organisés et disciplinés se rendent enfin.
1974, encore sur l’île de Lubang, surement le plus fameux et connu des soldats japonais perdu. 29 ans après la reddition du Japon et 15 ans après était officiellement déclaré mort dans son pays, le second Lieutenant Hiroo Onada se rendait enfin.
Hiroo Onada
Citoyen Japonais travaillant dans une société de commerce en Chine, à 20 ans il est appelé sous les drapeaux. Il est choisi pour un entrainement spécial, officier de renseignement de l’Armée Impériale, à l’école militaire de Nakano.
Durant son entrainement il lui est enseigné comment récolter des informations et mener des actions de guérilla.
Il est spécialement entrainé à agir derrière les lignes ennemies, à être laissé en arrière avec une poignée de soldats afin de désorganiser et de rendre la vie difficile aux ennemis du Japon, tout en recueillant des informations.
Le 26 décembre 1944, Onoda est débarqué sur l’île de Lubang, une petite île au nord de Mindoro (voir carte) et située à environ 70 kilomètres au sud-ouest de l’entrée de la baie de Manille. Ceci se passe dix jours après le débarquement des troupes américaines sur Mindoro (15/16 décembre sur les plages de San-José).
Les ordres de son chef direct, le Major Yoshimi Taniguchi, sont simples :
« Il vous est interdit de vous tuer, pas de Harakiri. Il pourra se passer trois ans, peut-être cinq, mais quoi qu’il puisse arriver, nous reviendrons pour vous chercher.
D’ici là, tant que vous aurez un seul soldat, vous continuerez à commander et à combattre. Il se peut que vous ayez à manger des noix de coco. Si tel est le cas, survivez sur les noix de coco. En aucune circonstance vous ne devez donner votre vie volontairement ».
Onoda rejoint alors d’autres soldats qui se trouvent déjà sur place et peu de temps après l’île est envahie par l’ennemi. Sa prise en est facilitée par la reddition de plusieurs officiers japonais qui n’ont pas suivi les ordres qui étaient de détruire le port, l’aérodrome et autres facilités. Peu après la reconquête par les troupes américaines débarquées le 28 février, les soldats japonais survivants se fondent dans la jungle par petits groupes de trois ou quatre.
La plupart de ces petits groupes vont rapidement être tués ou capturés.
Le groupe d’Onada, composé de lui-même, d’Yuichi Akatzu, de Siochi Shimada et de Kinshichi Kozuka échappe aux poursuites. Ils continuent à utiliser leur connaissance des techniques de guérilla pour harceler l’ennemi au mieux de leur possibilité, tout en rationnant la nourriture et les munitions. Ils améliorent leurs maigres rations de riz avec des bananes, des noix de coco et autre nourriture qu’ils trouvent dans la jungle ou qu’ils pillent dans les fermes avoisinantes quand ils en ont la possibilité.
En octobre 1945, alors qu’un autre groupe vient de tuer une vache d’une ferme voisine pour se nourrir, ils prennent connaissance d’un tract lancé d’un avion américain : ‘’La guerre est finie depuis le 15 août, descendez des montagnes ! ‘’.
Les différents groupes présents discutent longuement au sujet du tract et concluent qu’il s’agit d’une ruse, d’une action de propagande de l’ennemi destinée à les obliger à se rendre.
Il leur semble impossible que le Japon ait pu se rendre aussi rapidement.
Ils ne connaissent pas l’existence de la bombe atomique ni les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki. De plus, un des groupes a été attaqué par l’ennemi quelques jours auparavant … cela ne serait jamais arrivé si la guerre était terminée !
A la fin de la même année, les habitants de l’île qui en ont marre de se faire tirer dessus et de se faire piller, obtiennent des autorités qu’un B17 lance des tracts sur l’ensemble de la jungle. Ces tracts donnent l’ordre aux soldats japonais de se rendre et sont signés du général en chef Yamashita.
Les quelques groupes survivants, une fois de plus, étudient soigneusement les tracts de façon à déterminer leur authenticité. Une fois encore ils décident, en fonction de la tournure des phrases et des conditions de rapatriement au pays, que ces tracts doivent être une nouvelle ruse de l’ennemi.
Le Japon ne peut pas perdre la guerre, si le Japon gagne quelqu’un va venir les chercher, la guerre doit toujours se poursuivre.
Comme cela ne fonctionne pas, plus de tracts sont lancés ; ils sont accompagnés de journaux japonais, de photographies et de lettres des familles des soldats perdus.
Des Japonais sont envoyés dans la jungle munis d’amplificateurs et de hauts parleurs, ils demandent aux soldats perdus de se rendre.
A chaque fois, quelque chose ne semble pas normal aux soldats cachés, ils pensent tous à une ruse très élaborées et ne répondent pas aux chants des sirènes.
Cela va durer plusieurs années et durant tout ce temps ils continuent à harceler les ‘’troupes ennemies’’, même si de plus en plus de gens sont en habits civils.
Après cinq années passées dans la jungle, Akatzu décide de se rendre, mais sans rien en dire aux autres.
En 1949, il quitte le groupe et après six mois d’errance dans la jungle, se rend à ce qu’il pense être des troupes alliées.
Après la disparition d’Akatzu, les trois qui restent prennent encore plus de précautions pour se cacher. Et s’il avait été capturé ? Pensent-ils.
Cinq ans plus tard Shimada était tué dans une escarmouche sur la plage de Gontin.
Ils ne sont plus que deux, Onoda et Kosuka.
Et cela va encore durer 17 ans comme cela … Onoda et Kosuka qui vivent dans la jungle, continuent à glaner des informations et attaquent les troupes ennemies quand ils peuvent s’y risquer.
En octobre 1972, après 27 ans de planque dans la jungle, Kosuka est tué lors d’une rencontre avec une patrouille philippine. Au Japon personne ne pensait qu’il ait pu survivre aussi longtemps dans la jungle, mais avec le corps … il faut bien se rendre à l’évidence. Et si Onoda était également vivant, même si depuis longtemps il est déclaré mort ?
Le gouvernement japonais décide d’envoyer une équipe de recherche afin d’essayer de trouver Onoda dans la jungle. Mais il est devenu trop bon … ses 27 ans d’expérience le font échapper aux recherches. Ils ne le trouvent pas et Onoda continue sa mission.
Finalement, en 1974 un jeune étudiant japonais, Nario Suzuki, décide de faire le tour du monde. Dans sa liste de choses à faire durant son périple (entres autres) : trouver Onoda, trouver un Panda et l’abominable homme des neiges (tout un programme).
Il se rend sur l’île de Lubang et s’enfonce dans la jungle à la recherche d’Onoda.
Là où des centaines de professionnels ont échoué pendant 29 ans, lui le simple étudiant va réussir. Il découvre la cache d’Onoda et Onada lui-même.
Suzuki tente de convaincre Onada de venir avec lui, mais ce dernier refuse.
Il ne veut pas se rendre et ne croit pas que la guerre est finie. Son officier lui a fait la promesse qu’il reviendrait le chercher, il attend son officier.
A ce moment, il ne sera pas autorisé à rentrer tranquillement au Japon, il lui faudra tout d’abord se rendre … et … il a tué une bonne trentaine de Philippins, en a blessé une bonne centaine, détruit quelques fermes et installations durant ces trente dernières années !
Suzuki rentre alors au Japon, trouve l’ancien officier supérieur d’Onoda, le Major Taniguchi qui se rend aux Philippines et convainc Onoda de se rendre.
Maintenant imaginez … après avoir vécu aussi longtemps dans la jungle, pensant faire son devoir pour son pays, s’être aperçu avoir perdu 29 ans de sa vie et de plus avoir tué et blessé des civils innocents … il lui faut maintenant se rendre et affronter une nouvelle vie, un nouveau Japon.
Il n’y arrivera pas vraiment, achètera une ferme au Brésil, fera un pèlerinage sur Lubang (il fera un don de 10.000 US$ pour la construction d’une école) et créera une école de survie dans la jungle au Japon.
Ce que je souhaite faire comprendre, après cette longue introduction, c’est qu’une partie du territoire philippin est réellement quelque chose à difficile à visiter, que 10 à 15 % du pays reste encore à explorer et que flore et faune nous réservent encore bien des surprises.
Les côtes sont plus ou moins accessibles, vous avez eu la possibilité de vous en rendre compte avec le tour de Mindoro en voiture, mais il y a les bateaux. Pour l’intérieur c’est une autre histoire.
En plus des difficultés du terrain il faut aussi faire avec le climat, il fait chaud entre tropique et équateur, nous sommes également sur le passage des typhons, des moussons, etc. et les moustiques sont particulièrement féroces. Vous sentez-vous l’âme d’un explorateur ?
En ce qui concerne Onoda, il y aurait beaucoup à dire.
Vivre 29 ans dans la jungle, sans communication avec l’extérieur … pourquoi ne pas avoir tenté de gagner une autre île, Mindoro par exemple, afin de savoir ce qui s’y passait réellement ?
Beaucoup de questions …. Mais pas de réponses !
La carte ci-dessus est extraite des archives américaines et concerne le débarquement sur Mindoro et Marinduque (15 décembre 1944). Vous remarquerez qu’il semble y avoir deux … routes, chemins, sentiers ( ?) … qui traversent l’île d’est en ouest.
Sur plusieurs autres cartes en ma possession, un de ces tracés semble être une route.
Avant son expédition autour de l’île, j’ai informé Alex de l’existence éventuelle d’une route.
Il s’est renseigné et … pas de route !
Il a essayé de trouver cette route sur le terrain … rien !
Il a interrogé des gens locaux sur la possibilité d’une route ancienne … toujours rien !
Et pourtant, sur les anciennes cartes américaines, dont celle du débarquement de décembre 44, il existe un passage entre l’ouest et l’est de l’île. Il s’agit d’une carte d’Etat Major !
Intrigués par cette route que nous avons surnommé la route fantôme de Santa-Cruz, nous allons poursuivre nos recherches, mais à partir de Victoria, à partir de la côte orientale.
Expériences, avis, critiques et commentaires sont comme d'habitude les bienvenus.
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